Le système de santé suisse coûte cher. Il est donc tout à fait raisonnable d’éviter les dépenses inutiles. Mais faire des économies au mauvais endroit ne mène à rien. Et si, au final, l’exercice débouche sur une augmentation globale des coûts, on peut parler de non-sens. De tels cas ne sont malheureusement pas rares, et ceux qui en font les frais, et qui n’ont pas toujours la force de se défendre, sont en général les patients.
Voici un exemple. En 2017, l’assurance maladie Atupri a refusé de payer une prescription magistrale à l’un de ses assurés. Le patient en question souffre d’une affection oculaire rare qui se caractérise par un trouble massif de l’hydratation oculaire, tant au niveau quantitatif que qualitatif, ce qui conduit à une forte cicatrisation de la conjonctive des deux yeux. Atupri a justifié sa décision en indiquant que la prescription magistrale en question ne figurait pas dans la liste des spécialités (LS). Cette explication relevait plutôt du prétexte puisque, si le produit avait été dans la LS, il n’aurait pas été nécessaire de fabriquer une prescription magistrale!
On peut lire par exemple sur le site web d’Atupri ou dans ses annonces:
Nos clients décident eux-mêmes de ce qui est bon pour leur santé. Et nous les y aidons.
Ou encore:
Chez Atupri, nous sommes aux côtés de nos assurés à chaque fois qu’ils ont besoin de nous.
De qui se moque-t-on? Que penser d’une assurance qui fait de telles déclarations, mais refuse de payer une prestation utile en recourant à des artifices juridiques?
L’assuré a porté le cas devant la cour des assurances sociales du tribunal de Bâle et obtenu gain de cause. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Atupri a recouru au Tribunal fédéral. Apparemment, «être aux côtés de ses assurés» signifie pour Atupri payer des honoraires d’avocats. Mais ce détour a coûté cher puisqu’Atupri a perdu devant la plus haute cour du pays (lien vers l’arrêt du Tribunal fédéral). Ultérieurement, Atupri a défendu sa position en indiquant qu’elle ne pouvait pas agir autrement, puisque la loi l’exigeait.
Un article récemment publié sur 3-min.info est revenu sur la nouvelle réglementation relative au remboursement des médicaments «grand frère» (lien vers l’article). Ici aussi la loi sert de couverture. Mais l’OFSP a entretemps fait marche arrière – sans devoir consulter le Tribunal fédéral. Merci cher OFSP!
Revenons-en à Atupri et au remboursement des prescriptions magistrales. Une solution raisonnable à cette question n’est malheureusement pas encore en vue. L’association IFAK traite actuellement les cas de plusieurs pharmacies auxquelles Atupri refuse de rembourser une prescription magistrale. Nous examinons pour l’heure dans quelle mesure et devant quel tribunal nous engagerons des poursuites contre Atupri. Les pharmaciens sont aux côtés de leurs clients à chaque fois qu’ils ont besoin d’eux. L’association IFAK est aux côtés de ses membres à chaque fois qu’ils ont besoin d’elle.
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